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dans les États despotiques la crainte était nécessaire, la vertu inutile, l’honneur dangereux ; qu’il fallait une obéissance aveugle, et que le prince était perdu s’il cessait de lever le bras un instant ;[1].

Montesquieu.

Oui, je l’ai dit ; mais quand je constatais, comme vous, les conditions affreuses auxquelles se maintient le pouvoir tyrannique, c’était pour le flétrir et non pour lui élever des autels ; c’était pour en inspirer l’horreur à ma patrie qui jamais, heureusement pour elle, n’a courbé la tête sous un pareil joug. Comment ne voyez-vous pas que la force n’est qu’un accident dans la marche des sociétés régulières, et que les pouvoirs les plus arbitraires sont obligés de chercher leur sanction dans des considérations étrangères aux théories de la force. Ce n’est pas seulement au nom de l’intérêt, c’est au nom du devoir qu’agissent tous les oppresseurs. Ils le violent, mais ils l’invoquent ; la doctrine de l’intérêt est donc aussi impuissante à elle seule que les moyens qu’elle emploie.

Machiavel.

Ici, je vous arrête ; vous faites une part à l’intérêt, cela suffit pour justifier toutes les nécessités politiques qui ne sont pas d’accord avec le droit.

  1. Esp. des lois, p. 24 et 25, chap. IX, livre III.