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rajeunis par des formes nouvelles ; je renverserais des villes entières, pour les reconstruire sur des plans plus réguliers, pour obtenir de plus belles perspectives. Vous ne pouvez pas vous imaginer à quel point les constructions attachent les peuples aux monarques. On pourrait dire qu’ils pardonnent aisément qu’on détruise leurs lois à la condition qu’on leur bâtisse des maisons. Vous verrez d’ailleurs, dans un instant, que les constructions servent à des objets particulièrement importants.

Montesquieu.

Après les constructions, que ferez-vous ?

Machiavel.

Vous allez bien vite : le nombre des grandes actions n’est pas illimité. Veuillez donc me dire, je vous prie, si, depuis Sésostris jusqu’à Louis XIV, jusqu’à Pierre Ier, les deux points cardinaux des grands règnes n’ont pas été la guerre et les constructions.

Montesquieu.

C’est vrai, mais on voit pourtant des souverains absolus qui se sont préoccupés de donner de bonnes lois, d’améliorer les mœurs, d’y introduire la simplicité et la décence. On en a vu qui se sont préoccupés de l’ordre dans les finances, de l’économie ; qui ont songé à laisser après eux l’ordre, la paix, des institutions durables, quelquefois même la liberté.