Page:Joly - Dialogue aux enfers entre Machiavel et Montesquieu.djvu/285

Cette page a été validée par deux contributeurs.
— 272 —

Montesquieu.

Eh bien, voyons.

Machiavel.

Le plus grand de mes bienfaits sera d’abord d’avoir donné la paix intérieure à mon peuple. Sous mon règne les mauvaises passions sont comprimées, les bons se rassurent et les méchants tremblent. J’ai rendu à un pays déchiré avant moi par les factions, la liberté, la dignité, la force.

Montesquieu.

Après avoir changé tant de choses, n’en seriez-vous pas venu à changer le sens des mots ?

Machiavel.

La liberté ne consiste pas dans la licence, pas plus que la dignité et la force ne consistent dans l’insurrection et le désordre. Mon empire paisible au dedans, sera glorieux au dehors.

Montesquieu.

Comment ?

Machiavel.

Je ferai la guerre dans les quatre parties du monde. Je franchirai les Alpes, comme Annibal ; je guerroierai dans l’Inde, comme Alexandre ; dans la Lybie, comme Scipion ; j’irai de l’Atlas au Taurus, des bords du Gange au Mississipi, du Mississipi au fleuve Amour. La grande muraille de la Chine tombera devant mon nom ; mes légions victorieuses défendront, à Jérusalem, le tombeau du Sauveur ; à Rome, le vicaire de Jésus-Christ ;