Page:Joly - Dialogue aux enfers entre Machiavel et Montesquieu.djvu/25

Cette page a été validée par deux contributeurs.
— 12 —

pendant la postérité les a couverts de gloire ; en réalité, ils ont servi et sauvé leur pays ; ils en ont prolongé l’existence à travers les siècles. Vous voyez bien que dans les États le principe du droit est dominé par celui de l’intérêt, et ce qui se dégage de ces considérations, c’est que le bien peut sortir du mal ; qu’on arrive au bien par le mal, comme on guérit par le poison, comme on sauve la vie par le tranchant du fer. Je me suis moins préoccupé de ce qui est bon et moral que de ce qui est utile et nécessaire ; j’ai pris les sociétés telles qu’elles sont, et j’ai donné des règles en conséquence.

Abstraitement parlant, la violence et l’astuce sont-elles un mal ? Oui ; mais il faudra bien les employer pour gouverner les hommes, tant que les hommes ne seront pas des anges.

Tout est bon ou mauvais, suivant l’usage qu’on en fait et le fruit que l’on en tire ; la fin justifie les moyens : et maintenant si vous me demandez pourquoi, moi républicain, je donne partout la préférence au gouvernement absolu, je vous dirai que, témoin dans ma patrie de l’inconstance et de la lâcheté de la populace, de son goût inné pour la servitude, de son incapacité à concevoir et à respecter les conditions de la vie libre ; c’est à mes yeux une force aveugle qui se dissout tôt ou tard, si elle n’est dans la main d’un seul homme ; je réponds que le peuple, livré à lui-même, ne