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Machiavel.

Cette question n’est point restée étrangère à mes préoccupations, car je me souviens de vous avoir dit que tout, en définitive, se résoudrait par une question de chiffres.

Montesquieu.

Fort bien, mais ici c’est la nature même des choses qui va vous résister.

Machiavel.

Vous m’inquiétez, je vous l’avoue, car je date d’un siècle de barbarie sous le rapport de l’économie politique et j’entends fort peu de chose à ces matières.

Montesquieu.

Je me rassure pour vous. Permettez-moi toutefois de vous adresser une question. Je me souviens d’avoir écrit, dans l’Esprit des lois, que le monarque absolu était astreint, par le principe de son gouvernement, à n’imposer que de faibles tributs à ses sujets[1]. Donnerez-vous du moins aux vôtres cette satisfaction ?

Machiavel.

Je ne m’y engage pas et je ne connais rien, en vérité, de plus contestable que la proposition que vous avez émise là. Comment voulez-vous que l’appareil du pouvoir monarchique, l’éclat et la représentation d’une grande cour, puissent exister

  1. Esp. des lois, p. 80. chap. X, liv. XIII.