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Machiavel.

Il me suffirait d’indiquer du doigt au Saint-Siège l’état moral de mon peuple, frémissant sous le joug de l’Église, aspirant à le briser, capable de se démembrer à son tour du sein de l’unité catholique, de se jeter dans le schisme de l’Église grecque ou protestante.

Montesquieu.

La menace au lieu de l’action !

Machiavel.

Combien vous vous trompez, Montesquieu, et à quel point ne méconnaissez vous pas mon respect pour le trône pontifical ! Le seul rôle que je veuille jouer, la seule mission qui m’appartienne à moi souverain catholique, ce serait précisément d’être le défenseur de l’Église. Dans les temps actuels, vous le savez, le pouvoir temporel est gravement menacé, et par la haine irréligieuse, et par l’ambition des pays nord de l’Italie. Eh bien, je dirais au Saint-Père : Je vous soutiendrai contre eux tous, je vous sauverai, c’est mon devoir, c’est ma mission, mais du moins ne m’attaquez pas, soutenez moi de votre influence morale ; serait-ce trop demander quand moi-même j’exposerais ma popularité en me portant pour défenseur du pouvoir temporel, complétement discrédité aujourd’hui, hélas ! aux yeux de ce qu’on appelle la démocratie européenne. Ce péril ne m’arrêterait point ; non-seu-