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qu’elle devrait être, mais telle qu’elle est, telle qu’elle sera toujours. Ce n’est pas moi qui suis le fondateur de la doctrine dont on m’attribue la paternité ; c’est le cœur humain. Le Machiavélisme est antérieur à Machiavel.

Moïse, Sésostris, Salomon, Lysandre, Philippe et Alexandre de Macédoine, Agathocle, Romulus, Tarquin, Jules César, Auguste et même Néron, Charlemagne, Théodoric, Clovis, Hugues Capet, Louis XI, Gonzalve de Cordoue, César Borgia, voilà les ancêtres de mes doctrines. J’en passe, et des meilleurs, sans parler, bien entendu, de ceux qui sont venus après moi, dont la liste serait longue, et auxquels le Traité du Prince n’a rien appris que ce qu’ils savaient déjà, par la pratique du pouvoir. Qui m’a rendu dans votre temps un plus éclatant hommage que Frédéric II ? Il me réfutait la plume à la main dans l’intérêt de sa popularité et en politique il appliquait rigoureusement mes doctrines.

Par quel inexplicable travers de l’esprit humain m’a-t-on fait un grief de ce que j’ai écrit dans cet ouvrage ? Autant vaudrait reprocher au savant de rechercher les causes physiques qui amènent la chute des corps qui nous blessent en tombant ; au médecin de décrire les maladies, au chimiste de faire l’histoire des poisons, au moraliste de peindre les vices, à l’historien d’écrire l’histoire.