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Machiavel.

Peut-être. Soyez sûr d’une chose, c’est que, dans cette organisation nouvelle, les magistrats ne dévieront pas plus qu’auparavant, quand il s’agira d’intérêts purement civils ?

Montesquieu.

Qu’en sais-je ? car, d’après vos paroles, je vois déjà qu’ils dévieront quand il s’agira d’intérêts politiques.

Machiavel.

Ils ne dévieront pas ; ils feront leur devoir comme ils doivent le faire, car, en matière politique, il est nécessaire, dans l’intérêt de l’ordre, que les juges soient toujours du côté du pouvoir. Ce serait la pire des choses, qu’un souverain pût être atteint par des arrêts factieux dont le pays entier s’emparerait, à l’instant même, contre le gouvernement. Que servirait d’avoir imposé silence à la presse, si elle se retrouvait dans les jugements des tribunaux ?

Montesquieu.

Sous des apparences modestes, votre moyen est donc bien puissant, que vous lui attribuiez une telle portée ?

Machiavel.

Oui, car il fait disparaître cet esprit de résistance, cet esprit de corps toujours si dangereux dans des compagnies judiciaires qui ont conservé le souvenir, peut-être le culte, des gouvernements