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pre à justifier les plus grands forfaits de la tyrannie.

Machiavel.

Et si je vous disais que ce livre n’a été qu’une fantaisie de diplomate ; qu’il n’était point destiné à l’impression ; qu’il a reçu une publicité à laquelle l’auteur est resté étranger ; qu’il a été conçu sous l’influence d’idées qui étaient alors communes à toutes les principautés italiennes avides de s’agrandir aux dépens l’une de l’autre, et dirigées par une politique astucieuse dans laquelle le plus perfide était réputé le plus habile…

Montesquieu.

Est-ce vraiment là votre pensée ? Puisque vous me parlez avec cette franchise, je puis vous avouer que c’était la mienne, et que je partageais à cet égard l’opinion de plusieurs de ceux qui connaissaient votre vie et avaient lu attentivement vos ouvrages. Oui, oui, Machiavel, et cet aveu vous honore, vous n’avez pas dit alors ce que vous pensiez, ou vous ne l’avez dit que sous l’empire de sentiments personnels qui ont troublé pour un moment votre haute raison.

Machiavel.

C’est ce qui vous trompe, Montesquieu, à l’exemple de ceux qui en ont jugé comme vous. Mon seul crime a été de dire la vérité aux peuples comme aux rois ; non pas la vérité morale, mais la vérité politique ; non pas la vérité telle