Page:Joly - Dialogue aux enfers entre Machiavel et Montesquieu.djvu/131

Cette page a été validée par deux contributeurs.
— 118 —

mentaire qui est une sorte de pouvoir discrétionnaire, qui peut servir, quand on veut, à faire de véritables lois.

Le Conseil d’État est de plus investi chez vous, m’a-t-on dit, d’une attribution spéciale peut-être plus exorbitante encore. En matière contentieuse, il peut, m’assure-t-on, revendiquer par droit d’évocation, ressaisir de sa propre autorité, devant les tribunaux ordinaires, la connaissance de tous les litiges qui lui paraissent avoir un caractère administratif. Ainsi, et pour caractériser en un mot ce qu’il y a de tout à fait exceptionnel dans cette dernière attribution, les tribunaux doivent refuser de juger quand ils se trouvent en présence d’un acte de l’autorité administrative, et l’autorité administrative peut, dans le même cas, dessaisir les tribunaux pour s’en référer à la décision du Conseil d’État.

Or, encore une fois, qu’est-ce que le Conseil d’État ? A-t-il un pouvoir propre ? est-il indépendant du souverain ? Pas du tout. Ce n’est qu’un Comité de Rédaction. Quand le Conseil d’État fait un règlement, c’est le souverain qui le fait ; quand il rend un jugement, c’est le souverain qui le rend, ou, comme vous dites aujourd’hui, c’est l’administration, l’administration juge et partie dans sa propre cause. Connaissez-vous quelque chose de plus fort que cela et croyez-vous qu’il y ait beaucoup à faire pour fonder le pouvoir absolu dans