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Montesquieu.

La portée de cette réticence m’échappe.

Machiavel.

Vous allez reconnaître combien elle est importante. Si j’énumérais expressément ces droits, ma liberté d’action serait enchaînée vis-à-vis de ceux que j’aurais déclarés ; c’est ce que je ne veux pas. En ne les nommant point, je parais les accorder tous et je n’en accorde spécialement aucun ; cela me permettra plus tard d’écarter, par voie d’exception, ceux que je jugerai dangereux.

Montesquieu.

Je comprends.

Machiavel.

Parmi ces principes, d’ailleurs, les uns appartiennent au droit politique et constitutionnel proprement dit, les autres au droit civil. C’est là une distinction qui doit toujours servir de règle dans l’exercice du pouvoir absolu. C’est à leurs droits civils que les peuples tiennent le plus ; je n’y toucherai pas, si je puis, et, de cette manière, une partie de mon programme au moins se trouvera remplie.

Montesquieu.

Et quant aux droits politiques… ?

Machiavel.

J’ai écrit dans le traité du Prince la maxime que voici, et qui n’a pas cessé d’être vraie : « Les gouvernés seront toujours contents du prince,