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Montesquieu.

Eh bien, vous êtes au lendemain de votre coup d’État, qu’allez-vous faire ?

Machiavel.

Une grande chose, puis une très-petite.

Montesquieu.

Voyons d’abord la grande ?

Machiavel.

Après le succès d’un coup de force contre le pouvoir établi, tout n’est pas fini, et les partis ne se tiennent généralement pas pour battus. On ne sait pas encore au juste ce que vaut l’énergie de l’usurpateur, on va l’essayer, on va se lever contre lui les armes à la main. Le moment est venu d’imprimer une terreur qui frappe la cité entière et fasse défaillir les âmes les plus intrépides.

Montesquieu.

Qu’allez-vous faire ? Vous m’aviez dit que vous aviez répudié le sang.

Machiavel.

Il ne s’agit pas ici de fausse humanité. La société est menacée, elle est en état de légitime défense ; l’excès des rigueurs et même de la cruauté préviendra pour l’avenir de nouvelles effusions de sang. Ne me demandez pas ce que l’on fera ; il faut que les âmes soient terrifiées une fois pour toutes et que la peur les détrempe.

Montesquieu.

Oui, je me rappelle ; c’est là ce que vous ensei-