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NEY.



Celui dont les brillants faits d’armes ont attaché le nom aux plus belles pages de nos annales militaires, qui fut le compagnon, l’émule, et l’ami de Kléber et de Moreau ; celui à qui l’armée décernait avec enthousiasme le titre d’Infatigable et de Brave des braves ; qui, tout entier à sa patrie, à la gloire, ne connut des troubles révolutionnaires que les dangers, et ne participa jamais à ces excès ; cet homme, au plus haut degré que l’ambition put lui faire désirer, comblé des faveurs royales, tout-à-coup forfait à des devoirs qu’il s’était lui-même imposés, à des serments qu’il avait pu ne pas faire, et, jouet infortuné des chances incertaines et des revirements politiques, subit, bientôt après, le supplice réservé aux traitres ! Déjà vingt-cinq années d’illustration et de services éminents sont presque oublies ; une heure de faiblesse en a terni l’éclat : et les cendres du héros gisent sans épitaphe, sans mausolée, dans un endroit presque ignoré du cimetière de Mont-Louis[1] !

Mais la vie militaire et politique, les erreurs et la mort du maréchal Ney, appartiennent à l’histoire. Les contemporains l’ont jugé, la postérité voudra le connaitre, et nous avons dû lui consacrer une page dans ce Recueil.

C’est non loin des pyramides en marbre, des sarcophages pompeux de ses anciens compagnons dont il partagea souvent les lauriers, que sont déposés, sous un humble gazon, sans aucun signe extérieur, les restes oubliés du maréchal Ney. Là, souvent le philosophe arrête ses pas : le hasard lui a révélé le secret de la tombe ! il observe en silence et médite péniblement sur les étranges et funestes effets des dissensions civiles…

  1. Un modeste monument fut d’abord élevé sur la tombe du maréchal Ney ; mais bientôt, objet d’un culte fanatique, jonché chaque jour de fleurs et de couronnes, et couvert d’inscriptions inconvenantes, on a cru devoir le faire disparaitre. Le corps fut placé secrètement dans un autre endroit du cimetière, et le bruit se répandit que la famille l’avait fait transporter dans une terre éloignée. Le secret fut bientôt découvert, mais respecté, et le nom du maréchal, mille fois inscrit par les curieux sur la grille qui entoure le nouveau lieu de sa sépulture, est le seul hommage tacite qu’on se soit permis de rendre depuis à sa mémoire.