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LES RÉVÉLATIONS DE Mme AUBRANT



Elles furent courtes, ces révélations ; mais elles projetèrent une lumière si intense sur cette sombre affaire, que Lautrec en fut ébloui.

— Mon mari, commença Mme Aubrant, est négociant en dentelles, négociant en gros. Au début de notre mariage, son commerce prospéra. Puis, nous eûmes de la malchance ; une malchance infernale.

Nous avions un train de vie fort coûteux, à Paris. Pour les yeux du monde, il fallait le garder. Là est la cause de tous nos déboires : une sotte vanité ! Mon mari signa des traites fausses. Il se vit acculé à la faillite et menacé du déshonneur. Ici encore notre sotte vanité entra en jeu : le sang rachète l’honneur, dit un proverbe stupide. Mon mari affolé décida de se donner la mort. Il retardait l’heure fatale, l’heure du suicide depuis plusieurs mois déjà.

Nous avons pour ami intime un médecin à qui nous avions confié notre désespoir et qui nous avait aidé déjà dans maintes circonstances. C’est sur ses conseils, que mon mari retardait l’échéance fatale de sa mort. Mais ce n’était plus qu’une question de temps !… C’est sur ces entrefaites qu’un jour notre ami, le médecin, vint nous trouver. Il nous apprit qu’il avait soigné un homme qui ressemblait à mon époux d’une telle façon que lui, le docteur qui l’avait ausculté, n’avait relevé chez son malade aucun trait, aucun signe qui le différenciât de mon mari. Cet homme — qui était un faux cul-de-jatte et vivait en exploitant la charité publique — venait de mourir. Il nous proposa de substituer ce malheureux à mon mari. Celui-ci avait pris une