une école d’éducation morale au sens le plus élevé. Plusieurs générations s’écouleront peut-être avant que cette vérité soit généralement admise ; mais la seule école du véritable sentiment moral est la société entre égaux. L’éducation morale de la société s’est faite jusqu’ici par la loi de la force, et ne s’est guère adaptée qu’aux relations créées par la force. Dans les états de société moins avancés, on ne connaît guère de relation avec des égaux : un égal est un ennemi. La société est du haut en bas une longue chaîne, ou mieux une échelle, où chaque individu est au-dessus ou au-dessous de son plus proche voisin ; partout où il ne commande pas, il faut qu’il obéisse. Tous les préceptes moraux en usage aujourd’hui se rapportent principalement à la relation de maître à serviteur. Cependant le commandement et l’obéissance ne sont que des nécessités malheureuses de la vie humaine : l’état normal de la société, c’est l’égalité. Dans la vie moderne déjà, et toujours plus à mesure qu’elle marche dans la voie du progrès, le commandement et l’obéissance deviennent des faits exceptionnels. L’association sur le pied d’égalité est la règle générale. La morale des premiers siècles reposait sur l’obligation de se soumettre à la force, plus tard elle a reposé sur le droit du faible à la tolérance et à la protection du fort. Jusques à quand une forme de société se contentera-t-elle
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