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enfants, tend toujours, sauf les cas exceptionnels, à resserrer le premier au lieu de le relâcher. Mais parce que les choses se passent ainsi, parce qu’en général les hommes ne font pas subir aux femmes toutes les misères qu’ils pourraient leur faire souffrir, s’ils usaient du plein pouvoir qu’ils ont de les tyranniser, les défenseurs de la forme actuelle du mariage s’imaginent que tout ce qu’elle a d’inique est justifié, et que les plaintes qu’on en fait ne sont que de vaines récriminations à propos du mal dont il faut toujours payer un grand bien. Mais les adoucissements que la pratique peut concilier avec le maintien rigoureux de telle ou telle forme de tyrannie, au lieu de faire l’apologie du despotisme, ne servent qu’à démontrer la force de la nature humaine pour réagir contre les institutions les plus honteuses, et la vitalité avec laquelle les semences du bien comme celles du mal contenues dans le caractère de l’homme se répandent et se propagent. Tout ce qu’on peut dire du despotisme domestique s’applique au despotisme politique. Tous les rois absolus ne se mettent pas à la fenêtre pour se régaler des gémissements de leurs sujets qu’on torture, tous ne les dépouillent pas de leur dernier lambeau de vêtements pour les renvoyer se morfondre sur la voie publique. Le despotisme de Louis XVI n’était pas celui de Philippe le Bel, de Nadir-Schah ou de Caligula, mais il était