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dégradation où un être humain puisse descendre, en la contraignant à se faire malgré elle l’instrument d’une fonction animale. Mais, tandis qu’elle est soumise de sa personne au pire des esclavages, quelle est sa position à l’égard de ses enfants, objet d’un intérêt commun pour elle et pour son maître ? Par la loi ils sont les enfants du mari : lui seul a sur eux des droits légaux ; elle ne peut rien faire pour eux, ni à leur sujet, sans une délégation du mari ; et, même après la mort de son mari, la femme n’est pas la gardienne légale de ses enfants, à moins qu’il ne l’ait expressément désignée ; il pouvait les séparer d’elle, la priver de les voir, lui interdire de correspondre avec eux, jusqu’à l’époque récente où ce pouvoir fut restreint par une loi. Voilà l’état légal de la femme ; elle n’a aucun moyen de s’y soustraire ; si elle quitte son mari, elle ne peut rien prendre avec elle, ni ses enfants, ni rien qui soit légitimement sa propriété ; s’il le veut, il peut au nom de la loi la contraindre à revenir, il peut employer la force physique, ou se borner à saisir pour son propre usage tout ce qu’elle peut gagner, ou tout ce qui lui est donné par ses parents. Il n’y a qu’un arrêt de justice qui puisse l’autoriser à vivre séparée, la dispenser de rentrer sous la garde d’un geôlier exaspéré, et lui donner le pouvoir d’appliquer à ses propres besoins les gains qu’elle fait, sans craindre