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est pour le mieux dans le pacte matrimonial tel qu’il est aujourd’hui, et l’on ne cesse de répéter que la civilisation et le christianisme ont rétabli la femme dans ses justes droits. Il n’en est pas moins vrai que l’épouse est réellement l’esclave de son mari non moins, dans les limites de l’obligation légale, que les esclaves proprement dits. Elle jure à l’autel une obéissance de toute la vie à son mari, et elle y est tenue par la loi toute la vie. Les casuistes diront que cette obligation a une limite, qu’elle s’arrête au point où la femme deviendrait complice d’un crime, mais elle s’étend à tout le reste. La femme ne peut rien faire que par la permission au moins tacite de son mari. Elle ne peut acquérir de bien que pour lui ; dès l’instant qu’une propriété est à elle, fût-ce par héritage, elle est, ipso facto, à lui. En cela la situation faite à la femme par la loi anglaise est pire que celle des esclaves, d’après les codes de plusieurs pays. Dans la loi romaine, par exemple, l’esclave pouvait avoir un petit pécule à lui, qui lui était jusqu’à un certain point garanti par la loi, pour son usage exclusif. Les classes élevées d’Angleterre ont donné aux femmes un avantage analogue par des contrats spéciaux qui tournent la loi en stipulant pour la femme la libre disposition de certaines sommes. Comme les sentiments paternels l’emportent chez les pères sur l’esprit de corps de leur sexe, un père