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mari. Il n’y a pas encore longtemps qu’en Europe un père avait le pouvoir de disposer de sa fille, de la marier à son propre gré, sans égard pour ses sentiments. L’Église restait assez fidèle à une morale supérieure pour exiger un oui formel de la femme au moment du mariage ; mais cela ne prouvait nullement que le consentement ne fût pas forcé ; il était tout à fait impossible à une jeune fille de refuser l’obéissance si le père persistait à l’exiger, à moins d’obtenir la protection de la religion par une ferme résolution de prononcer des vœux monastiques. Une fois marié, l’homme avait autrefois (avant le christianisme) le pouvoir de vie et de mort sur sa femme. Elle ne pouvait invoquer la loi contre lui ; il était son unique juge, son unique loi. Longtemps il put la répudier, tandis qu’elle n’avait pas contre lui le même droit. Dans les vieilles lois d’Angleterre, le mari s’appelle le seigneur de sa femme, il était considéré à la lettre comme son souverain, en sorte que le meurtre d’un homme par sa femme s’appelait trahison (basse trahison pour la distinguer de la haute trahison) et était vengé plus cruellement que le crime de haute trahison, puisque la peine était d’être brûlée vive. De ce que ces atrocités sont tombées en désuétude (car la plupart n’ont pas été abolies, ou ne l’ont été qu’après avoir depuis longtemps cessé d’être mises en pratique), on suppose que tout