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Dans la théorie moderne, fruit de l’expérience de mille ans, on soutient que les choses où l’individu est seul directement intéressé ne vont jamais bien, que laissées à sa direction exclusive ; et que l’intervention de l’autorité, excepté pour protéger les droits d’autrui, est pernicieuse. On a mis longtemps à tirer cette conclusion, on ne l’a adoptée que lorsque presque toutes les applications de la théorie contraire eurent produit leurs désastreux résultats, mais elle prévaut maintenant partout dans les pays les plus avancés, et à peu près partout, du moins en ce qui regarde l’industrie, chez les nations qui ont la prétention d’être en progrès. On ne veut pas dire que tous les procédés soient également bons, et toutes les personnes également aptes à tout, mais on admet aujourd’hui que la liberté qu’a tout individu de choisir par lui-même est l’unique moyen de faire adopter les meilleurs procédés et de mettre chaque opération aux mains du plus capable. Personne ne croit utile de faire une loi pour que les forgerons aient tous des bras vigoureux. La liberté et la concurrence suffisent à faire des hommes pourvus de bras vigoureux des forgerons, parce que les hommes qui ont les bras faibles peuvent gagner davantage en s’engageant dans une occupation à laquelle ils sont plus propres. C’est au nom de cette doctrine, qu’on refuse à l’autorité le droit de décider