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tion nécessaire de ce vestige du passé qui jure avec l’avenir.

En effet, quel est le caractère particulier du monde moderne ? qu’est-ce qui distingue surtout les institutions, les idées sociales, la vie des temps modernes de celles du passé lointain ? C’est que l’homme ne naît plus à la place qu’il occupera dans la vie, qu’il n’y est plus enchaîné par un lien indissoluble, mais qu’il est libre d’employer ses facultés et les chances favorables qu’il peut rencontrer pour se faire le sort qui lui semble le plus désirable. Jadis la société humaine était constituée sur d’autres principes. Tout le monde naissait dans une position sociale fixe, et le plus grand nombre y était retenu par la loi, ou se trouvait privé du droit de travailler à en sortir. De même que les uns naissent noirs et les autres blancs, les uns naissaient esclaves, les autres libres et citoyens, quelques-uns naissaient patriciens, les autres plébéiens, quelques-uns nobles et possesseurs de fiefs, les autres roturiers. Un esclave, un serf ne pouvait se rendre libre lui-même et ne le devenait que par la volonté de son maître. Dans la plupart des contrées de l’Europe ce ne fut qu’à la fin du Moyen Age et à la suite de l’accroissement du pouvoir royal, que les roturiers purent être anoblis. Même chez les nobles, l’aîné était par droit de naissance l’unique héritier des domaines paternels ; il s’écoula