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auquel elle est unie, ou les enfants qui constituent entre elle et l’homme un lien nouveau et irrévocable. Que si nous considérons d’abord l’attraction naturelle qui rapproche les deux sexes, puis l’entier assujettissement de la femme à l’autorité du mari, de la grâce duquel elle attend tout, honneurs et plaisirs, et enfin l’impossibilité où elle est de rechercher et d’obtenir le principal objet de l’ambition humaine, la considération, et tous les autres biens de la société, autrement que par lui, nous voyons bientôt qu’il faudrait un miracle pour que le désir de plaire à l’homme ne devînt pas, dans l’éducation et la formation du caractère de la femme, une sorte d’étoile polaire. Une fois en possession de ce grand moyen d’influence sur l’esprit des femmes, les hommes s’en sont servis avec un égoïsme instinctif, comme du moyen suprême de les tenir assujetties ; ils leur représentent la faiblesse, l’abnégation, l’abdication de toute volonté dans les mains de l’homme, comme l’essence de la séduction féminine. Peut-on douter que les autres jougs que l’humanité a réussi à briser n’eussent subsisté jusqu’à nos jours, si on avait pris tant de soin d’y plier les esprits ? Si on avait donné pour but à l’ambition de tout jeune plébéien d’obtenir la faveur de quelque patricien, de tout jeune serf celle de quelque seigneur ; si devenir le serviteur d’un grand et partager ses affections