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concourent à rendre à peu près impossible une rébellion générale des femmes contre le pouvoir des hommes. Leur position est bien différente de celle des autres classes de sujets. Leurs maîtres en attendent plus que leur service. Les hommes ne se contentent pas de l’obéissance des femmes, ils s’arrogent un droit sur leurs sentiments. Tous, à l’exception des plus brutaux, veulent avoir, dans la femme qui leur est le plus étroitement unie, non seulement une esclave, mais une favorite. En conséquence ils ne négligent rien pour asservir leur esprit. Les maîtres des autres esclaves comptent, pour maintenir l’obéissance, sur la crainte qu’ils inspirent eux-mêmes ou qu’inspire la religion, Les maîtres des femmes veulent plus que l’obéissance, aussi ont-ils tourné au profit de leur dessein toute la force de l’éducation. Toutes les femmes sont élevées dès l’enfance dans la croyance que l’idéal de leur caractère est tout le contraire de celui de l’homme ; elles sont dressées à ne pas vouloir par elles-mêmes, à ne pas se conduire d’après leur volonté, mais à se soumettre et à céder à la volonté d’autrui. On nous dit au nom de la morale que la femme a le devoir de vivre pour les autres, et au nom du sentiment que sa nature le veut : on entend qu’elle fasse complète abnégation d’elle-même, qu’elle ne vive que dans ses affections, c’est-à-dire dans les seules qu’on lui permet, l’homme