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l’offenser. Dans les luttes politiques pour la liberté, qui n’a vu ses propres partisans dispersés par la corruption ou la terreur ? Dans la question des femmes, tous les membres de la classe asservie sont dans un état chronique de corruption ou d’intimidation combinées. Quand ils lèvent l’étendard de la résistance, la plupart des chefs et surtout la plupart des simples combattants doivent faire un sacrifice à peu près complet des plaisirs et des douceurs de la vie. Si un système de privilège et de servitude forcée a jamais rivé le joug sur le col qu’il fait plier, c’est celui-là. Je n’ai pas encore montré que ce système est mauvais ; mais quiconque est capable de réfléchir sur cette question doit voir que, même mauvais, il devait durer plus que toutes les autres formes injustes d’autorité ; qu’à une époque où les plus grossières existent encore chez plusieurs nations civilisées, et n’ont été détruites que depuis peu chez d’autres, il serait étrange que la plus enracinée de toutes eût subi quelque part des atteintes appréciables. On a bien plutôt lieu de s’étonner qu’elle ait soulevé des protestations si nombreuses et si fortes.

On objectera qu’on a tort de comparer le gouvernement du sexe masculin avec les formes de domination injuste que nous avons rappelées, parce que celles-ci sont arbitraires et l’effet d’une usurpation, tandis que celle-là, au