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il n’y a rien de si fatal au bonheur de la vie que le manque d’une voie honorable, d’un débouché pour les facultés actives. Les femmes qui ont une famille à soigner, pendant tout le temps que cette charge porte sur elles, y trouvent un débouché pour leur activité, et généralement cela suffit ; mais quel débouché pour ces femmes, chaque jour plus nombreuses, qui n’ont eu aucune occasion favorable d’exercer la vocation qu’on appelle, par moquerie sans doute, leur vocation particulière ? Quel débouché pour les femmes qui ont perdu leurs enfants enlevés par la mort ou éloignés par leurs affaires, ou qui se sont mariés et ont fondé de nouvelles familles ? Il y a beaucoup d’exemples d’hommes qui, après une vie tout adonnée aux affaires, se retirent avec une fortune qui leur permet de jouir de ce qu’ils croient le repos, mais qui, incapables de se donner de nouveaux intérêts et de nouveaux mobiles pour remplacer les anciens, ne trouvent dans leur changement de vie qu’ennui, tristesse et une mort prématurée. Pourtant, personne ne paraît songer qu’un sort analogue attend un grand nombre de femmes dignes et dévouées, qui ont payé ce qu’on dit qu’elles doivent à la société, élevé leur famine d’une manière irréprochable, dirigé leur maison tant qu’elles ont eu une maison à diriger, et qui, délaissées par cette occupation unique à laquelle elles