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du fonds général de la pensée et de l’action, et un perfectionnement des conditions de l’association des hommes et des femmes. Mais ce serait bien mal estimer ce progrès que de ne pas tenir compte d’un bien plus direct, à savoir, le gain inexprimable qui se réaliserait au profit du bonheur de la moitié libérée de l’espèce, la différence qu’il y a pour elle entre une vie d’assujettissement à la volonté d’autrui, et une vie de liberté fondée sur la raison. Après les nécessités de premier ordre, la nourriture et le vêtement, la liberté est le premier et le plus impérieux besoin de la nature humaine. Tant que les hommes n’avaient pas de droits légaux, ils désiraient une liberté sans limite. Depuis qu’ils ont appris à comprendre le sens du devoir, et la valeur de la raison, ils tendent de plus en plus à se laisser guider par le devoir et la raison dans l’exercice de leur liberté ; mais ils n’en désirent pas moins la liberté, ils ne sont pas disposés à accepter la volonté d’autrui comme le représentant et l’interprète de ces principes régulateurs. Au contraire, les communautés où la raison a été le plus cultivée, et où l’idée du devoir social a été le plus puissante, sont celles qui ont le plus énergiquement affirmé la liberté d’action des individus, la liberté de chacun à gouverner sa conduite d’après le sentiment qu’il a du devoir, et par