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perpétuel ; elle exige que la femme comprime sans cesse toutes ses inclinations naturelles, et, en retour de ce qu’on pourrait souvent appeler un martyre, elle ne lui donne qu’une seule récompense, la considération. Mais la considération de la femme ne se sépare pas de celle du mari ; et, après qu’elle l’a achetée et payée, elle s’en voit privée par des considérations dont elle ne peut pas sentir la puissance. Elle a sacrifié toute sa vie, et son mari ne peut pas lui faire le sacrifice d’un caprice, d’une singularité, d’une excentricité que le monde n’admet ni ne reconnaît, qui est pour le monde une folie, sinon quelque chose de pis. Le dilemme est surtout cruel pour cette classe très méritante d’hommes qui, sans posséder les talents qui permettent de faire figure parmi ceux dont ils partagent les opinions, les soutiennent par conviction, se sentent tenus par l’honneur et la conscience à les servir, à faire profession de leur croyance, à y sacrifier leur temps, leur travail, et à aider toutes les entreprises qu’on tente en leur faveur. Leur position est bien plus embarrassante encore quand ces hommes sont d’un rang et d’une position qui d’eux-mêmes ne leur donnent, ni ne leur ferment, l’accès de ce qu’on appelle la meilleure société. Quand leur admission dans cette société dépend de ce qu’on pense d’eux personnellement, quelque irréprochables que soient leurs habi-