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grand nombre d’individus ; d’autre part, l’occupation principale de la société a changé, la lutte armée a cédé la place aux affaires, le régime militaire au régime industriel. Les exigences de la vie nouvelle ne sont pas plus exclusives de la générosité que les anciennes, mais elles n’en dépendent plus entièrement ; les vrais fondements de la vie morale des temps modernes doivent être la justice et la prudence ; le respect de chacun pour les droits de tous, et l’aptitude de chacun à prendre soin de soi-même. La chevalerie n’opposait de frein légal à aucune des formes du mal qui régnaient impunies dans toutes les couches de la société, elle se contentait d’encourager quelques hommes au bien et à les détourner du mal, en se faisant une arme de la louange et de l’admiration. Mais ce qui fait la force de la moralité, c’est la sanction pénale dont elle est armée : voilà son pouvoir pour détourner du mal. La sécurité de la société repose mal sur une aussi faible sanction que l’honneur qui revient aux bonnes actions : pour tous, une telle récompense est un motif infiniment plus faible que la crainte, à peu d’exception près, et pour beaucoup il reste absolument sans effet. La société moderne est capable de réprimer le mal dans tous ses membres en se servant utilement de la force supérieure que la civilisation a mise entre ses mains, elle peut rendre l’existence