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mouvements les plus précieux de l’histoire morale de notre race, c’est un exemple remarquable d’une tentative organisée et concertée par une société en désordre pour proclamer et mettre en pratique un idéal moral bien au-dessus de sa condition sociale et de ses institutions ; voilà ce qui l’a fait échouer dans son principal objet, et pourtant elle n’a pas été entièrement stérile, et elle a laissé une empreinte très sensible et extrêmement précieuse sur les idées et les sentiments de tous les temps qui ont suivi.

L’idéal chevaleresque est l’apogée de l’influence des sentiments des femmes sur la culture morale de l’humanité : si les femmes devaient rester dans leur position subordonnée, il faudrait regretter que le type chevaleresque ait péri, car seul il pourrait en modérer l’influence démoralisatrice. Mais après les changements survenus dans l’état général de l’humanité, il était inévitable qu’un idéal de moralité tout différent se substituât à l’idéal de la chevalerie. La chevalerie fut un effort pour introduire des éléments moraux dans un état social où tout dépendait en bien ou en mal de la vaillance de la personne dirigée par l’influence bienfaisante de sa délicatesse et de sa générosité. Dans les sociétés modernes, les affaires militaires mêmes ne sont plus décidées par l’effort de l’individu, mais par l’action combinée d’un