elle poussait des milliers d’hommes à la fleur de l’âge à renoncer à tous les avantages du monde pour s’enfermer dans des couvents, et y chercher le salut par la pauvreté, le jeûne et la prière ; elle envoyait des centaines de mille hommes à travers les terres et les mers, l’Europe et l’Asie, sacrifier leur vie pour la délivrance du Saint-Sépulcre ; elle contraignait les rois à abandonner des femmes dont ils étaient passionnément épris, sans faire plus que de les déclarer parents au septième, et, d’après les calculs de la loi anglaise, au quatorzième degré. L’Église a pu faire tout cela, mais elle n’avait pas le pouvoir d’empêcher les nobles de se battre, ni d’exercer leur cruauté sur leurs serfs et au besoin sur les bourgeois ; elle ne pouvait les faire renoncer ni à l’une ni à l’autre des deux applications de la force, la militante et la triomphante. Les puissants du monde n’ont été amenés à la modération, que le jour où à leur tour ils ont eu à subir la contrainte d’une force supérieure. Le pouvoir grandissant des rois put seul mettre fin à cette lutte générale, en la réservant aux rois et aux compétiteurs à la couronne. L’accroissement d’une bourgeoisie riche et intrépide qui se défendait dans des villes fortifiées, et l’apparition d’une infanterie plébéienne qui révéla sur le champ de bataille une puissance supérieure à celle de la chevalerie indisciplinée, purent seules imposer
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