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du pouvoir, c’est la seule vérité que la supériorité morale des femmes, si elle existe, prouve et mette en lumière. Je conviens que la servitude corrompt moins l’esclave que le maître, excepté quand elle est poussée jusqu’à l’abrutissement. Il vaut mieux pour un être moral subir un joug, fût-ce celui d’un pouvoir arbitraire, que d’exercer ce pouvoir sans contrôle. Les femmes, dit-on, tombent plus rarement sous les coups de la loi pénale et tiennent moins de place dans la statistique du crime que les hommes. Je ne doute pas qu’on n’en puisse dire autant avec vérité des esclaves nègres. Ceux qui sont sous l’autorité d’autrui ne peuvent pas commettre souvent des crimes, si ce n’est sur le commandement et pour le service de leurs maîtres. Je ne connais pas d’exemple plus frappant de l’aveuglement avec lequel le monde, et je n’excepte pas la majorité des hommes d’étude, dédaigne et néglige les influences des circonstances sociales, que ce rabaissement niais des facultés intellectuelles et ce sot panégyrique de la nature morale de la femme.

Le compliment qu’on fait aux femmes en vantant leur bonté morale peut aller de pair avec le reproche de céder facilement à l’inclination de leur cœur. On dit que les femmes ne sont pas capables de résister à leur partialité personnelle ; que, dans les graves affaires, leurs