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plus haut degré de perfection dans les choses qui demandent une attention soutenue et dont il faut faire le principal intérêt de sa vie ? La philosophie est une de ces choses, l’art en est une aussi, l’art surtout qui exige qu’on lui dévoue non seulement toutes ses pensées et tous ses sentiments, mais qu’on s’entretienne la main par un exercice continu afin d’acquérir une adresse supérieure.

Il y a encore une considération à ajouter. Dans les divers arts et les diverses occupations de l’esprit, il y a un degré de force qu’il faut atteindre pour vivre de l’art ; il y en a un supérieur où il faut monter pour créer les œuvres qui immortalisent un nom. Ceux qui entrent dans une carrière ont tous des motifs suffisants pour arriver au premier ; l’autre est difficilement atteint par les personnes qui n’ont pas, ou qui n’ont pas eu, à un moment de leur vie, un ardent désir de célébrité. D’ordinaire, il ne faut pas moins que ce stimulant pour faire entreprendre et soutenir le rude labeur que doivent nécessairement s’imposer les personnes les mieux douées pour s’élever à un rang distingué dans des genres où nous possédons déjà de si belles œuvres des plus grands génies. Or, soit par une cause artificielle, soit par une cause naturelle, les femmes ont rarement cette soif de renommée. Leur ambition se circonscrit généralement dans des