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C’est uniquement parce que les Grecs sont venus les premiers. Si les femmes avaient vécu dans d’autres pays que les hommes et n’avaient jamais lu un seul de leurs écrits, elles auraient eu une littérature propre. Elles n’ont pas créé une littérature parce qu’elles en ont trouvé une toute créée et déjà fort avancée. S’il n’y avait jamais eu d’interruption dans la connaissance de l’antiquité, ou si la renaissance se fût produite avant la construction des cathédrales gothiques, on n’en aurait jamais bâti. Nous voyons qu’en France et en Italie, l’imitation de la littérature ancienne arrêta court le développement d’un art original. Toutes les femmes qui écrivent sont des élèves des grands écrivains de l’autre sexe. Toutes les premières œuvres d’un peintre, fût-il Raphaël, ont identiquement la même manière que celle de son maître. Mozart lui-même ne déploie pas sa puissante originalité dans ses premières œuvres. Quand il faut des années à un individu bien doué, il faut des générations aux masses. Si la littérature des femmes est destinée à avoir dans son ensemble un caractère différent de celui des hommes, correspondant aux points de différence des tendances naturelles de leur sexe avec celles des hommes, il faut beaucoup plus de temps qu’il ne s’en est déjà écoulé avant que cette littérature puisse s’affranchir de l’influence des modèles acceptés, et se diriger selon