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œuvres révèlent ; car dans l’exécution, dans l’application de l’idée et la perfection du style, il n’y en a pas. Les meilleurs romanciers pour la composition et l’arrangement des détails sont, pour une bonne part, des femmes. Il n’y a pas dans toute la littérature moderne une expression plus éloquente de la pensée que le style de madame de Stael ; et comme exemple de perfection artistique, il n’y a assurément rien de supérieur à la prose de George Sand, dont le style fait sur le système nerveux l’effet d’une symphonie de Haydn ou de Mozart. Ce qui manque aux femmes, je l’ai dit, c’est une grande originalité de conception. Voyons maintenant s’il y a une manière d’expliquer cette faiblesse.

Commençons par la pensée. Rappelons-nous que durant toute la période de l’histoire et de la civilisation où l’on pouvait arriver à des vérités grandes et fécondes par la seule force du génie, sans grande étude préalable, sans beaucoup de connaissance, les femmes ne s’occupèrent nullement de spéculation. Depuis Hypatie jusqu’à la Réformation, l’illustre Héloïse est presque la seule femme qui eût pu accomplir un pareil exploit, et nous ne savons pas l’étendue de l’esprit philosophique que ses malheurs ont fait perdre à l’humanité. Depuis l’époque où il a été possible à un nombre considérable de femmes de s’adonner à la philo-