partie de l’esprit, cette absorption de toute l’intelligence sur un seul sujet, et sa concentration sur un seul ouvrage, est la vraie condition des facultés humaines même pour les travaux spéculatifs. Je crois que ce que fait gagner cette concentration d’esprit dans une faculté spéciale, on le perd dans les autres ; et même dans les œuvres de la pensée abstraite, j’ai appris par expérience que l’esprit fait plus en revenant souvent à un problème difficile qu’en s’y adonnant sans interruption. En tous cas, dans la pratique, depuis ses objets les plus élevés jusqu’aux plus bas, la faculté de passer rapidement d’un sujet de méditation à un autre, sans que la vigueur de la pensée se relâche dans la transition, a bien plus d’importance : et cette faculté, les femmes la possèdent à cause de la mobilité même qu’on leur reproche. Elles la doivent peut-être à la nature, mais à coup sûr l’habitude y est pour beaucoup ; car presque toutes les occupations des femmes se composent d’une multitude de détails, à chacun desquels l’esprit ne peut pas même consacrer une minute, obligé qu’il est de passer à autre chose ; en sorte que, si un objet réclame plus d’attention, il faut prendre sur les moments perdus pour y songer. On a souvent remarqué la faculté qu’avaient les femmes de faire leur travail de pensée dans des circonstances et à des moments où tout homme peut-être se serait dispensé
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