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leur éducation des objets et des occupations réservées aux hommes au lieu de les y préparer, on verra que je ne me montre guère exigeant en leur faveur quand je me contente de prendre pour base ce qu’elles ont réellement accompli. Ici, en effet, une preuve négative n’a qu’une faible valeur, mais la plus légère preuve positive est sans réplique. On ne peut pas conclure qu’il est impossible à une femme d’être un Homère, un Aristote, un Michel-Ange, un Beethoven, par la raison qu’aucune femme jusqu’ici n’a produit de chefs-d’œuvre comparables à ceux de ces puissants génies, dans les genres où ils ont brillé. Ce fait négatif laisse la question indécise, et la livre aux discussions psychologiques. Mais il est certain qu’une femme peut être une reine Élisabeth, une Débora, une Jeanne d’Arc. Voilà des faits, non des raisonnements. Or il est curieux que la seule chose que la loi actuelle empêche les femmes de faire, ce sont les choses dont elles se sont montrées capables. Nulle loi ne défend aux femmes d’écrire les drames de Shakespeare, ni les opéras de Mozart ; mais la reine Élisabeth, et la reine Victoria, si elles n’avaient pas hérité du trône, n’auraient pu recevoir la plus infime fonction politique, et pourtant la première s’est montrée à la hauteur des plus élevées.

Si l’expérience prouve quelque chose en dehors de toute analyse psychologique, c’est