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celle de Turner, avait été surtout créée pour lui par Byron ; mais à côté de cela il y avait pour Ruskin « comme une joie d’enfant » à observer les bateaux, les gondoles et les palais de marbre surgissant de l’eau salée avec l’armée des petits crabes bruns sur leurs murs et des Titien dans leur intérieur ». Dans son journal du 6 mai 1841, il écrivait : « Grâce à Dieu je suis ici, dans ce Paradis des cités… Venise et Chamonix : voici pour moi les limites de la terre. »

Ce fut en 1845, à l’âge de 26 ans, qu’il s’éleva pour la première fois à la pleine compréhension de l’art vénitien, avec Harding, le peintre, pour compagnon. Ce fut dans la mémorable visite à l’école de San-Rocco qu’il fut frappé de la puissance d’imagination de Tintoret et « amené à étudier l’histoire de Venise elle-même ». Il y avait pris déjà plusieurs croquis en 1841 et 1845 et, dès la publication des Sept Lampes, il résolut d’écrire les Pierres de Venise, avant même d’avoir terminé les Peintres Modernes. Le nouveau livre ne devait pas plus être un livre sur l’architecture que les Modern Painters ne sont un livre sur la peinture. Il devait être un développement concret des Sept Lampes — l’étude des actions et réactions intimes des croyances, de l’idéal, des manières sur l’aspect extérieur que présentent les nations, leurs arts, leurs demeures, leurs édifices publics et privés. Cela devait être