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de J. M. W. Turner, esq. R. A. ». C’était là un sous-titre caractéristique et très sincère, rendant très bien l’esprit du premier volume avec son dogmatisme, son assurance, la combativité et le côté chevaleresque du nouvel évangile. Pour éviter le reproche de présomption chez un jeune homme de vingt-quatre ans, sur le conseil du père plus avisé, l’auteur ne signa pas de son nom mais simplement « un Gradué d’Oxford ». En dépit de ce subterfuge littéraire, le jeune chevalier, sous sa cotte d’armes, mystérieux et voilé, lança son défi pour défendre son maître contre tous venants dans la lice de l’Art, devant la Vérité et la Beauté pour juges et en présence de la Nature, maîtresse du camp.

L’apparition du premier volume des Peintres Modernes produisit une vive sensation dans le monde littéraire comme parmi les artistes. Les organes attitrés de la critique furent hostiles et dédaigneux. Les peintres qu’il avait loués en les critiquant ne furent point satisfaits d’un éloge mitigé et Turner fut quelque peu déconcerté par le zèle et l’enthousiasme de son jeune défenseur. Il y avait certes, dans la tranchante hérésie du jeune réformateur, de quoi scandaliser l’amateur, l’artiste vieilli dans le métier, l’écrivain à gages et l’interprète étroit et littéral de la Bible ; mais les hommes éclairés y virent bien une idée nouvelle. Le poète Rogers, auquel John Ruskin avait été présenté dans son