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difficile d’en trouver un où soit si minutieusement et si exactement reproduit, comme par l’œil d’un peintre, le jeu des nuages sur les montagnes.

Il n’y a rien dans les deux volumes de poésies de supérieur à ce morceau sur le Skidaw composé à l’âge de neuf ans ; mais le plus étonnant est que vers dix ou douze ans (The Fairies, the Eternal Hills, 1831) le petit John écrivait des poèmes tout à fait dans la bonne moyenne des concours d’Université, avec la fastidieuse facilité, les procédés d’imitation, les rythmes corrects et mesurés qui caractérisent ce genre de composition. Il pouvait pasticher Pope, Scott, Byron, Wordsworth — et même Shelley — aussi bien qu’un bon oléographe peut copier un Turner. Pas une faute de mesure, pas une faute de goût, aucune extravagance, aucune cacophonie dans ces exercices d’enfant ; il ne fit jamais mieux, même à soixante ans, et tous ces vers ne donnent aucune idée de sa supériorité et de ses facultés si ce n’est pas l’observation aiguë et le sentiment délicat de la nature ; rien n’y fait pressentir l’exubérance, la passion, l’éloquence, qui animent dès le début ses œuvres en prose. Comment ce grand mais orageux maître de la prose peut, douze années durant, rédiger des volumes de vers melliflus et pleins de lieux communs, c’est là une des curiosités de la littérature.