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dant ce n’était point un invalide habituel ; bien portant, c’était un marcheur intrépide, plein d’activité et d’entrain ; toujours ardent au travail, ses yeux ou sa plume ne se lassant ni jour ni nuit. Il n’apprit cependant aucun jeu, n’essaya jamais de danser et, après des efforts répétés dans un manège, ne put parvenir à monter à cheval.

Nous ne devons pas prendre à la lettre tout ce qui est rapporté dans les Præterita, mais il n’est pas douteux que Ruskin fut élevé d’une façon anormale au sein d’une famille pratiquant, comme si c’eût été une loi divine et humaine, une sorte d’égoïsme à trois. Il parle lui-même de « notre régulière, douce et égoïste façon de vivre » ; plus loin il ajoute : « elle était trop formaliste et trop luxueuse ». Il dit qu’il était « un petit singe très suffisant et désagréable et que cette extrême suffisance lui cachait ses ridicules ». Dans ses confessions qui, par leur charme littéraire et leur pure simplicité, peuvent être comparées avec celles de Rousseau — et elles sont presque aussi franches et aussi hardies — nous pouvons voir avec quelle sévérité le vieillard jugeait les erreurs de sa jeunesse et même analysait les faiblesses et les erreurs de ses parents. Mais nous ne devons pas oublier les nombreux témoignages qu’il donne de l’affectueuse indulgence de son père, du rude dévouement de sa mère, de la tendre affection dont