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où la société est organisée d’après un de ces plans que nous qualifions d’utopiques. Cet habitant de Mars ou de Mercure, parfaitement ignorant des conditions matérielles qui nous entourent, avec un sublime dédain pour notre manière de vivre basse et sordide, profondément dégoûté par nos habitudes barbares et cruelles, pourrait soulager son âme par des diatribes assez semblables à celles de Fors. Nous prendrions plaisir à l’écouter et ce ne serait pas sans profit.

Si nous jugeons équitablement la série entière des lettres de Fors et si nous cherchons à comprendre leur portée, nous y découvrirons un ensemble d’idées parfaitement défini et des aspirations réellement pratiques. À une foi mystérieuse dans la création de toutes les choses et de toutes les créatures vivantes par un Dieu aimant et tout puissant qui veille sur le vol du moineau comme sur l’éclosion de la feuille, Ruskin unissait une croyance également active dans la sainteté polythéiste ou fétichiste des choses de la nature comme objets dignes d’adoration. Il en était arrivé à considérer la moindre altération des choses de la nature et le meurtre des tendres créatures comme une profanation sacrilège, à peu près comme l’Hindou regarde la mise à mort d’une vache consacrée à Brahma ou comme un Grec aurait regardé la souillure d’une Fontaine dédiée aux Nymphes. Son