Page:John Ruskin par Frédéric Harrison.djvu/267

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

celles de Swift, mais sans la grossièreté et la licence du fougueux Doyen. Le livre coule en une langue pleine d’aisance et de naturel que ne surpassent ni Bunyan ou Defoe, Swift ou Goldsmith, mais en même temps il a une grâce, une imagination, une magie ensorcelante que le sardonique Doyen de Saint-Patrick’s aurait dédaignées.

En second lieu, il serait difficile de trouver dans ces deux mille pages une seule sentence ennuyeuse, sèche ou conventionnelle. La remarque quelquefois n’a pas de sens ou elle est présentée d’une façon enfantine, mais elle a toujours une si jolie sorte d’humour, la phrase est toujours d’un tour badin si fantasque, si agréable et si original, cela sort tellement de l’ornière commune que l’on n’aperçoit plus que le jeu charmant d’un écrivain de génie. C’est le ton de Swift à Lilliput, de Carlyle dans le Sartor ou de Thackeray dans les Snobs. Ce qui en fait le fond, c’est une satire de nos vices modernes, de nos ignorances, de nos vulgarités, mais la forme est celle d’un jeu enfantin, d’un gai badinage, d’une ironie pleine de courtoisie et comme d’une musique qui raille.

Les lecteurs de Fors sentiront que la série de ces lettres est tout entière coulée dans un moule d’ironie, de pathétique soutenu, de tristesse profonde, qu’elle est comme revêtue d’un voile d’humour et même de légèreté, mais également éloi-