aurait trouvées dignes de ses héros. » (Bardoux, page 139).
Quel que soit notre jugement sur sa délicatesse, sa prudence ou son bon sens, nous ne pouvons douter du désespoir profond qui à partir de ce moment assombrit la vie de Ruskin. Il se plongea dans le travail ; il réprima sa tendance au doute, tout au moins s’abstint de publier son scepticisme. « La mort de Rosie, nous dit-on, fut le plus grand chagrin de la vie de Ruskin. Il souffrit d’insomnies et eut des rêves extraordinaires ». Il fréquenta les spirites et assista à des séances où des « médiums » évoquèrent pour lui l’âme de la chère morte. Quelques années avant, le tableau de Carpaccio représentant sainte Ursule à l’Académie de Venise, avait fait sur lui une profonde impression ; il passait maintenant des journées entières à en faire des copies et à étudier la vie de sainte Ursule. « Il tomba amoureux de la Sainte », elle devint pour lui le type spirituel de toutes les vertus et de-toutes les grâces de la femme. Il fit des conférences, il rêva, il écrivit sur sainte Ursule dont la figure finit par se confondre avec le souvenir de sa morte bien-aimée ; enfin sainte Ursule, qui remplit tant de pages de Fors, devint pour lui ce que Béatrice avait été pour Dante.
Un cerveau doué d’une telle imagination, associé un cœur d’une si maladive sensibilité, cher-