Page:Johann David Wyss - Le Robinson suisse (1861).djvu/82

Cette page a été validée par deux contributeurs.
58
le robinson suisse.

Cette prière faite, je descendis de l’arbre par l’échelle, que je laissai retomber dans toute sa longueur, ayant soin d’en fixer les échelons solidement ; ma famille descendit après moi ; nous déjeunâmes. Après avoir donné à manger à nos animaux, je réunis mes enfants sur le vert tapis de gazon, et commençai à leur raconter la parabole suivante :

« Il était une fois un grand monarque dont le royaume s’appelait le pays de la Réalité ou du Jour parce que, dans ce pays, régnait une perpétuelle activité, et que le soleil l’éclairait de sa brillante lumière. Par delà les frontières septentrionales de ce pays, il y avait un autre royaume gouverné par le même grand monarque, qui connaissait seul l’immense étendue de ses États, et conservait, enfermée soigneusement dans ses archives, la carte géographique de ses domaines ; cet autre royaume s’appelait le Royaume de la Possibilité ou de la Nuit : là, tout était inactif et sombre.

« Dans la partie la plus agréable et la plus fertile du royaume de la Réalité se trouvait la résidence magnifique du monarque ; Himmelsbourg (cité céleste), où il se tenait avec sa cour, la plus brillante que l’on puisse s’imaginer. Des millions de serviteurs recevaient ses ordres, que des millions d’autres exécutaient. Les uns étaient vêtus d’une livrée plus éclatante que l’argent, plus blanche que la neige, couleurs du roi ; les autres portaient de larges boucliers d’une main, des épées flamboyantes de l’autre. Tous couraient, rapides comme la foudre, accomplir les volontés de leur souverain ; tous vigilants, intrépides, pleins de zèle, s’aimaient et se considéraient comme les créatures les plus heureuses du monde, en servant un prince si auguste. Il y avait, outre ces serviteurs ou plutôt ces dévoués amis du monarque, d’autres citoyens placés dans des positions inférieures, mais qui, pourtant, étaient comblés aussi des bontés du souverain ; car il les aimait comme un père aime ses enfants, et était pareillement très-aimé d’eux.

« Le grand roi possédait encore, hors des pays dont nous