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le robinson suisse.

Mes fils ne tardèrent point à accourir et à prendre place autour de la nouvelle table, et leur mère tira d’un grand pot de terre une volaille qu’elle nous servit. Elle avait un aspect des plus agréables. Nous reconnûmes le flamant tué par Fritz la veille. Ernest avait donné le conseil de le faire bouillir plutôt que rôtir, parce qu’il était déjà un peu vieux.

Il nous sembla d’un goût délicieux ; nous n’en laissâmes point le moindre petit morceau.

Pendant que nous nous régalions ainsi, le flamant vivant, délivré de ses liens, vint gravement, en compagnie de nos poules, becqueter les miettes tombées de notre table. Il n’avait déjà plus l’air farouche. Le singe ne voulut pas manquer une si belle occasion : au lieu de marcher modestement à terre, il sauta de l’épaule de l’un à l’épaule de l’autre, recevant en passant quelque bribe ; puis arriva notre grosse laie, qui, cachée depuis deux jours dans les environs, était sans doute ramenée vers nous par la faim. Ma femme lui fit un accueil très-bienveillant, et, pour l’engager à revenir ainsi chaque soir, elle lui donna le reste du laitage que nous n’avions pas consommé dans la journée, et qui, faute d’instruments pour battre le beurre ou faire du fromage, n’aurait pas pu être conservé à l’air plus de quelques heures. Ceci me fit penser au besoin que nous avions d’une cave fraîche, et je promis à ma femme de lui en creuser bientôt une.

Le souper achevé, nous opérâmes notre ascension sur l’arbre, maintenant notre demeure ; je montai le dernier, retirant en arrière les échelons d’en bas, afin de couper toute communication entre nous et les hôtes sauvages. Nos fusils furent chargés, en cas d’attaque. Les chiens gardaient en bas le bétail ; des feux étaient allumés autour des racines. Un profond sommeil ne tarda pas à s’emparer de nous tous.