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le robinson suisse.

servir que pour nous amuser ? Mais, attendez une minute, et vous connaîtrez mes intentions. »

Je demandai alors à ma femme si, par hasard, elle n’avait point du fil bien fort à me donner. Elle courut, vers son sac mystérieux, l’ouvrit, et en retira une pelote juste de la grosseur que je désirais.

« Ah ! maman, vous voulez faire la sorcière avec votre sac enchanté, dit alors Jack ; mais vous n’en tirez que ce que vous y avez mis auparavant.

— C’est vrai, mon cher ami, répliquai-je : le mérite de ta mère consiste à avoir su conserver au milieu de la tempête et des horreurs du naufrage assez de sang-froid pour se munir de tous ces petits objets si utiles à notre ménage et auxquels des étourdis comme toi n’eussent jamais pensé. »

Après avoir dévidé mon peloton, j’attachai un bout du fil à l’extrémité d’une des flèches, que je lançai par-dessus une des branches ; la flèche entraîna avec elle le fil et redescendit, la pointe en bas, vers la terre par son propre poids. Fritz et Ernest allèrent prendre dans nos bagages deux rouleaux de grosse corde ayant un peu plus de quarante pieds de longueur. Je les fis étendre parallèlement sur le gazon, puis, ayant partagé les bandions en morceaux de deux pieds chacun, nous en fîmes des échelons qu’Ernest me présentait un à un et que je fixai, au moyen de nœuds et de clous, entre nos deux cordes. Ainsi nous eûmes une échelle ; par le fil de ma flèche, je fis passer une ficelle de l’autre côté de la branche : par la ficelle, une corde assez forte, et enfin, par cette corde, notre échelle. À l’une des racines, je fixai solidement l’extrémité libre de cette corde ; et à une autre racine le bas de l’échelle, pour éviter tout balancement. Jack, qui était très-souple et très-leste, grâce à de bons exercices gymnastiques, monta le premier, puis Fritz, puis moi, avec ma hache. Arrivé aux premières branches, je vis avec plaisir qu’elles étaient fort serrées les unes contre les autres dans un plan si horizontal, qu’elles formaient presque