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le robinson suisse.

firent entrer l’enfant dans une violente colère. J’intervins et mis la paix. Pour Ernest, il examinait déjà d’un air grave et sérieux le porc-épic, comptait ses dents incisives et ses molaires, nous faisant remarquer ses pieds et ses oreilles presque semblables aux pieds et aux oreilles de l’homme, etc.

Jack passa son mouchoir autour du cou de l’animal et alla le montrer à sa mère, qui, sur ses instances, l’enveloppa dans un morceau de couverture et le plaça sur le dos de l’âne ; malheureusement les piquants traversèrent bientôt la laine, et le baudet s’élança en bondissant bien loin de nous ; nos dogues nous le ramenèrent, non sans peine.

Enfin nous arrivâmes devant les fameux arbres but de notre voyage. J’avoue que je n’en avais jamais vu de pareils : ils étaient vraiment d’une grosseur prodigieuse, et je fis compliment à ma femme sur sa découverte en l’assurant que, si nous parvenions à nous loger sur un de ces colosses végétaux, nous n’aurions plus rien à craindre des bêtes féroces ni des ours, les meilleurs grimpeurs. Ces arbres étaient, je crois, de la famille des figuiers.

Après avoir ôté à nos bêtes leur bagage, nous leur liâmes avec soin les jambes pour les empêcher de s’écarter. La volaille resta en liberté. Il s’agissait maintenant de penser, sans délai, à notre installation. Je résolus de tenter dès le soir même de nous établir sur l’arbre. Pendant que je délibérais, à ce sujet avec ma femme, un coup de feu se fit entendre tout près de nous. C’était Fritz, qui, désireux de ne pas laisser à Jack l’honneur de la journée, venait de tirer sur un magnifique chat-tigre ; il ne tarda pas à revenir vers nous, tenant l’animal mort par une des pattes.

« Bravo ! bravo ! m’écriai-je, tu as rendu là un fameux service à nos poules : ce chat aurait suffi à lui seul pour les croquer toutes, cette nuit même. Tâche de voir s’il n’y a pas quelques-uns de ses pareils dans les environs et tue-les sans pitié. »

Ernest me demanda alors pourquoi Dieu avait créé des