Page:Johann David Wyss - Le Robinson suisse (1861).djvu/475

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
447
le robinson suisse.

Aucun bruit extraordinaire n’étant parvenu jusqu’à moi et le récit de mes fils me paraissant fort invraisemblable, je secouai la tête ; je leur fis plusieurs objections, auxquelles ils répondirent. Je ne savais réellement qu’en penser, et je me trouvais dans un assez grand embarras. Je ne m’étais jamais bien rendu compte de la conduite que je tiendrais si des étrangers abordaient dans mon île. Fallait-il me découvrir sur-le-champ à eux ou me tenir caché ? comment savoir si c’étaient des Européens ou des pirates malais ? des malheureux comme nous ou des ennemis ? Je m’empressai de rassembler toute ma maison et de tenir un conseil de guerre, car je trouvais la chose beaucoup trop sérieuse pour oser prendre une décision à moi seul, aidé même des avis de Fritz et de Jack.

Sur ces entrefaites, la nuit arriva, et je résolus de remettre au lendemain à nous fixer sur le parti auquel nous devrions nous déterminer ; mais j’ordonnai à mes trois aînés de se relayer pendant la nuit pour faire sentinelle dans la galerie de notre demeure. La nuit ne fut pas aussi paisible que je l’avais espéré ; une tempête affreuse parut avoir ramené la mauvaise saison, et il nous fut impossible d’entendre aucun autre bruit que celui du vent, de la pluie et des flots de la mer se brisant contre le rivage.

Ce conflit des éléments se prolongea pendant près de quarante-huit heures, et nous eûmes tant à faire pour défendre notre habitation contre la pluie, que nous ne pûmes pas songer à aller à la découverte. Ce ne fut que le troisième jour que, le vent s’étant calmé, nous en entrevîmes de nouveau la possibilité ; je n’eus rien alors de plus pressé que de me transporter moi-même à notre poste d’observation. J’emmenai avec moi Jack, et nous emportâmes un pavillon qui devait indiquer à ceux qui restaient à terre si les nouvelles étaient bonnes ou si nous étions menacés de quelque danger. Si je secouais le pavillon trois fois et le rejetais après dans la mer, ma femme, mes enfants et Jenny devaient se retirer, le plus