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le robinson suisse.

tations, ne cherchant qu’à profiter de notre liberté nouvelle, et projetant une foule de travaux divers pour la saison dans laquelle nous allions entrer. Fritz proposa de se rendre tout d’abord à l’île du Requin, et de monter au rocher d’observation pour jeter les regards au loin et voir si les tempêtes n’avaient rien amené de nouveau sur ces côtes. J’y consentis, et Jack l’accompagna. Ils ne tardèrent pas à arriver dans l’île, et ils grimpèrent lestement sur le rocher. Je leur avais dit de tirer deux coups de canon quand ils y seraient arrivés, tant pour nous apprendre que tout se trouvait en bon état que pour donner un signal aux navires qui pourraient être dans le voisinage. Je prenais cette précaution de temps en temps pour me rendre utile à des malheureux et pour faciliter peut-être par là notre propre délivrance. Mes jeunes gens n’eurent rien de plus pressé que d’obéir à mes ordres ; car, toutes les fois qu’il fallait tirer un coup de canon, c’était pour eux une vraie partie de plaisir ; mais ils avaient si souvent rempli cette cérémonie sans recevoir d’autre réponse que celle que leur donnaient les échos, qu’un saisissement extrême s’empara d’eux lorsqu’au bout de quelques instants ils entendirent trois coups sourds, mais distincts, retentir au loin. Dans leur première émotion, mes enfants s’embrassèrent sans rien dire ; ils éprouvaient un mélange de joie, de crainte, de doute et d’espérance qui les rendit muets. Fritz fut le premier qui retrouva la force de parler, et s’écria : « Des hommes ! des hommes ! Veuille le ciel qu’ils soient bons !

— Mais que faut-il que nous fassions ? » demanda Jack, qui était pris d’un tremblement involontaire.

Les jeunes gens n’eurent rien de plus pressé que de se diriger vers l’endroit où j’étais occupé à travailler, et je vis sur-le-champ qu’il venait d’arriver quelque chose d’extraordinaire. Je les questionnai.

« Ô mon père, mon père ! s’écrièrent-ils à la fois en me prenant chacun par un bras, n’avez-vous rien entendu ? »