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le robinson suisse.

rester auprès de miss Jenny, dont il avait été jusqu’alors inséparable. On ne saurait se figurer combien celle-ci fut heureuse en revoyant, pour la première fois, depuis si longtemps, de la verdure, une campagne agréable et peuplée d’animaux domestiques. Le lendemain matin nous nous rembarquâmes, car je ne voulais point faire la route par terre, désirant laisser à Fritz le plaisir d’être le premier à conduire miss Jenny à Waldegg et à Falkenhorst. Nous touchâmes, en passant, à l’île de la Baleine, où la vue des lapins mit le comble à la naïve joie de Jenny. Je la priai, en conséquence, de regarder désormais ces animaux comme sa propriété, espérant qu’elle aurait bientôt le temps de travailler leurs poils soyeux et d’en fabriquer des étoffes pour son usage personnel.

Je n’ai pas besoin de dire que les deux jeunes gens que nous avions envoyés en avant firent tout ce qui dépendait d’eux pour donner de la solennité à notre arrivée dans la baie du Salut. Douze coups de canon nous saluèrent à notre entrée. Ernest parut mécontent que l’on n’en eût pas tiré treize, car il avait lu, je ne sais où, que les saluts d’honneur se font toujours en nombre impair. Il sollicita et obtint la permission de rendre ce salut, et, pour se conformer à l’usage, lui et Jack répondirent par onze coups aux honneurs qu’on nous avait rendus.

Comme nous doublions la pointe de l’île du Requin, nous vîmes Fritz descendre par une corde du haut du rocher où il s’était posté pour nous saluer, et à cet aspect miss Jenny poussa un cri involontaire, tant elle eut peur ; mais Fritz fut en un clin d’œil au pied du rocher et dans son caïak. S’étant approché de nous, il se fit connaître pour l’amiral du port et nous invita à débarquer à Felsheim. Ayant été prévenu de notre arrivée, nous dit-il, il avait ordonné de préparer tous les rafraîchissements dont nous pouvions avoir besoin. Nous ne pûmes assez admirer la manière noble, dégagée et martiale dont Fritz joua son rôle dans cette occasion, et il l’acheva